Comment reconnaître et signaler la violence au travail pour protéger les salariés

La violence au travail constitue un fléau silencieux qui touche de nombreux salariés, quelle que soit la taille ou le secteur de l'entreprise. Selon une étude de l'Organisation Internationale du Travail, près de 18 % des salariés ont subi du harcèlement psychologique. Face à cette réalité préoccupante, il devient indispensable pour les organisations de mettre en place des dispositifs efficaces permettant de reconnaître, signaler et prévenir toutes les formes de violence en milieu professionnel. Cette démarche s'inscrit dans une obligation légale de l'employeur qui doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Les différentes formes de violence en milieu professionnel

La violence au travail ne se limite pas aux agressions physiques visibles. Elle englobe un spectre beaucoup plus large de comportements qui peuvent gravement affecter la santé et la dignité des salariés. L'employeur doit être vigilant face à toutes ces manifestations pour pouvoir mettre en place un plan d'actions adapté et respecter ses obligations prévues par le Code du travail.

Violence physique et verbale : savoir les distinguer

Les violences externes représentent une menace réelle dans certains secteurs d'activité. Elles sont dirigées contre les salariés par des personnes extérieures à l'entreprise comme les clients, les usagers ou les patients. Ces agressions peuvent prendre la forme d'agressions verbales, d'atteintes physiques ou même de dégradations matérielles. Une enquête menée dans une entreprise de transport a révélé que 52% des conducteurs ressentent le risque d'agression au quotidien, illustrant l'ampleur du problème dans certains milieux de travail.

Pour évaluer ces risques, l'employeur doit tenir compte des facteurs de risque liés au fonctionnement de l'entreprise, à son organisation du travail et à son environnement. La démarche de prévention inclut la caractérisation des risques, l'analyse des situations d'exposition et l'identification des postes à risque. L'entreprise peut utiliser différents outils comme un registre des événements violents ou des questionnaires pour mieux comprendre les réalités du terrain. Cette évaluation des risques doit impérativement être consignée dans le Document Unique d'Évaluation des Risques appelé DUERP.

Les actions de prévention des agressions passent par plusieurs leviers d'intervention. L'amélioration de la relation client constitue un premier axe essentiel, notamment en agissant sur les causes de l'agressivité et en optimisant les conditions d'accueil. L'aménagement des espaces d'accueil joue également un rôle déterminant dans la protection des salariés. La formation des salariés à la gestion des conflits leur permet de développer des compétences pour faire face aux situations hostiles sans que celles-ci ne dégénèrent.

Harcèlement moral et intimidation : des manifestations subtiles

Le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. Ces comportements portent atteinte aux droits et à la dignité du salarié, affectent sa santé physique ou mentale, ou compromettent son avenir professionnel. Les auteurs peuvent être l'employeur, un collègue, quelle que soit sa position hiérarchique, ce qui rend ce phénomène particulièrement complexe à identifier et à combattre.

La jurisprudence fournit de nombreux exemples de comportements constitutifs de harcèlement moral. La mise à l'écart du salarié, les remarques humiliantes, les injures répétées, les violences, les menaces sur la carrière, les mauvaises conditions matérielles de travail intentionnelles et l'abus du pouvoir de direction sont autant de manifestations reconnues par les tribunaux. La Cour de cassation reconnaît même l'existence d'un harcèlement moral institutionnel résultant d'une politique d'entreprise dégradant systématiquement les conditions de travail.

Les risques psychosociaux peuvent découler de l'activité exercée ou de l'organisation du travail et affecter potentiellement tous les salariés. La charge de travail excessive, le manque d'autonomie des salariés, l'absence de soutien en cas de difficultés sont autant de facteurs qui favorisent l'émergence de situations de stress au travail pouvant conduire au burnout. Pour gérer ces risques, il est important d'évaluer régulièrement la charge de travail, de s'intéresser aux besoins des collaborateurs et de favoriser leur autonomie dans l'exécution de leurs missions.

Les violences sexistes regroupent l'ensemble des comportements violents basés sur le sexe ou le genre, tandis que les violences sexuelles sont des actes à caractère sexuel commis sans le consentement de la victime. Ces formes d'agissements sexistes et de harcèlement sexuel sont expressément interdites par le Code du travail. Dans les entreprises d'au moins vingt salariés, le règlement intérieur doit obligatoirement rappeler les dispositions relatives au harcèlement sexuel, au harcèlement moral et aux agissements sexistes. Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné parmi les membres du Comité Social et Économique appelé CSE.

Créer un dispositif de signalement adapté et confidentiel

Face à l'ampleur des violences au travail, les entreprises doivent impérativement mettre en place des procédures de signalement claires et accessibles à tous les employés. Ces dispositifs constituent un pilier essentiel de la politique de prévention et permettent une prise en charge rapide des situations problématiques avant qu'elles ne se dégradent davantage.

Canaux de communication anonymes et accessibles

La victime de violence au travail doit savoir vers qui se tourner pour signaler les faits dont elle est témoin ou victime. Plusieurs personnes peuvent être contactées en interne selon les ressources disponibles dans l'entreprise. Le supérieur hiérarchique, le service des ressources humaines, un représentant du CSE, un collègue de confiance, le médecin du travail ou encore l'inspection du travail constituent autant d'interlocuteurs potentiels. Cette multiplicité des canaux de communication permet à chaque salarié de choisir l'interlocuteur avec lequel il se sent le plus à l'aise pour aborder une situation souvent délicate.

Des outils innovants ont été développés pour faciliter le signalement des situations de harcèlement et de violences. Le DétecteurHarcèlementTravail peut notamment recueillir les signalements de manière confidentielle, offrant ainsi une solution supplémentaire aux salariés qui hésiteraient à s'adresser directement à une personne de l'entreprise. Cette approche permet de lever certaines barrières psychologiques qui freinent souvent la parole des victimes.

L'information sur les droits et les procédures doit être largement diffusée dans l'entreprise. Elle peut être affichée sur le panneau d'affichage obligatoire, diffusée sur le site intranet de l'entreprise, ou intégrée dans les documents remis lors de l'embauche. Cette communication constante permet de sensibiliser l'ensemble des salariés et de leur rappeler que ces comportements sont inacceptables et punis par la loi. Les moyens d'alerte peuvent également être mentionnés dans le DUERP, document central de la politique de santé et sécurité au travail.

Il est essentiel de préciser que la victime n'est pas obligée de porter plainte pour que la situation soit réglée en interne. L'employeur a une obligation de protection des salariés et doit réagir dès qu'il a connaissance d'un signalement, indépendamment de toute démarche judiciaire engagée par la victime. Cette distinction est importante car elle permet une action rapide au sein de l'entreprise sans attendre les délais souvent longs de la procédure pénale.

Garantir la protection des personnes qui témoignent

La loi protège expressément les victimes et les témoins qui signalent des faits de violence au travail. Cette protection des témoins est fondamentale car elle permet de libérer la parole sans crainte de représailles. Aucune mesure discriminatoire ou sanction ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui a relaté de bonne foi des faits de harcèlement moral, de harcèlement sexuel ou d'agissements sexistes.

Après un signalement, une enquête interne doit être menée par l'employeur. Cette investigation permet de vérifier la réalité des faits allégués et d'en comprendre les circonstances exactes. L'employeur doit garantir la confidentialité tout au long de cette procédure d'alerte pour préserver la dignité de toutes les personnes impliquées. Cette enquête doit être menée avec diligence et impartialité, en veillant à entendre toutes les parties prenantes.

Les sanctions peuvent être prises à l'encontre de l'auteur des faits si l'enquête confirme la réalité des comportements dénoncés. Sur le plan civil, l'auteur de harcèlement moral encourt des dommages et intérêts versés à la victime. Le conseil des prud'hommes est compétent pour statuer sur ces litiges concernant le harcèlement moral. Sur le plan pénal, les sanctions sont particulièrement sévères avec deux ans d'emprisonnement et trente mille euros d'amende prévus par l'article du Code pénal. Ces sanctions pénales peuvent être prononcées par le tribunal correctionnel.

L'accompagnement des victimes constitue un aspect crucial de la gestion post-signalement. Il est nécessaire de définir des procédures d'alerte et de secours permettant une prise en charge immédiate. Le soutien psychologique et l'accompagnement médical doivent être organisés rapidement après l'agression. Le service de prévention et de santé au travail joue un rôle central dans ce dispositif. Le médecin du travail peut assurer un suivi psychologique des victimes, conseiller l'employeur sur les mesures à mettre en œuvre et même alerter l'entreprise sur les risques identifiés en recommandant des actions de prévention.

Le non-respect des obligations de l'employeur en matière de prévention et de gestion de la violence au travail peut entraîner des sanctions civiles et pénales lourdes. La prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié peut être reconnue comme légitime si l'employeur a manqué à ses obligations. La reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur peut donner lieu à une réparation financière importante pour la victime. En cas d'accident du travail mortel, l'employeur doit informer l'inspection du travail immédiatement et au plus tard dans les douze heures suivant le décès. Le manquement à cette obligation expose l'employeur à une amende pouvant atteindre mille cinq cents euros pour une personne physique et sept mille cinq cents euros pour une personne morale, sanctions pouvant être doublées en cas de récidive.

La prévention primaire reste la meilleure stratégie pour protéger les salariés. Elle implique d'agir en amont en identifiant et en supprimant les facteurs de risque. L'amélioration de l'organisation du travail, le renforcement des liens sociaux entre collègues, la formation des salariés et l'aménagement des espaces de travail constituent autant de leviers d'action. Cette démarche globale, inscrite dans la durée, permet de créer un environnement de travail sain où la dignité et les droits de chacun sont respectés, et où les conditions de travail favorisent le bien-être plutôt que l'émergence de violences.